Entrepreneurs : coordonner efficacement réflexion et action

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    Entrepreneurs : coordonner efficacement réflexion et action

    L’équilibre entre réflexion et action n’est pas le seul facteur à prendre en compte dans la recherche d’efficacité. Ce qui compte c’est avant tout la qualité de l’interaction entre les deux, autrement dit comment les deux s’influencent mutuellement.

    Les ponts entre actions et réflexions

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    Les hypothèses

    La réflexion vise à construire des hypothèses opérationnelles qu’il est possible de tester dans la réalité (si l’idée business correspond à un besoin, si les personnes sont prêtes à payer pour cette solution…).

    Pour tester une hypothèse, il est important de construire activement le feedback, c’est-à-dire d’identifier et de mesurer les indicateurs qui nous permettront de conclure par rapport à l’hypothèse établie. Le feedback doit se construire en amont et être quantifiable car dans un environnement complexe et probabiliste, la bonne information ne saute pas immédiatement aux yeux.

    Comme nous le rappel Karl Popper avec son critère de réfutabilité, il est important de chercher à infirmer les hypothèses plutôt qu’à les confirmer. En gros, détruire une hypothèse vous apportera plus d’informations (vous serez sûr qu’elle ne marche pas) que confirmer une hypothèse (vous aurez juste des données qui augmentent sa probabilité d’être juste sans jamais en avoir la certitude). Il faut donc être ouvert d’esprit et rechercher les critiques (constructives) plutôt que les éviter ou les dénigrer. Apprenez à apprécier le feedback négatif, même s’il est désagréable émotionnellement, car il est porteur d’information.

    Exemple

    Un exemple souvent utilisé pour mieux se représenter ce concept de réfutabilité est celui des cygnes blancs.
    Si vous avez l’hypothèse « Tous les cygnes sont blancs » et que vous rencontrez 100 cygnes blancs, cela permet pas de la valider pour autant même si elle vous paraîtra plus plausible. Par contre au premier cygne noir que vous rencontrez, vous avez la certitude qu’elle est fausse.

    Une fois les indicateurs de mesure mis en place, toute la difficulté réside dans l’interprétation correcte du feedback.

    La planification

    Planifier consiste à transformer des réflexions, des objectifs et des intentions en actions ordonnées et temporellement définies, tout en prenant en compte les obstacles, les menaces et les opportunités potentielles. La capacité à planifier est un facteur corrélé à la réussite d’une startup (Frese, Brantjes, & Hoorn, 2002).

    Le feedback

    Le feedback permet d’obtenir de l’information utile pour enrichir notre réflexion, tester nos hypothèses et ainsi ajuster nos actions ou stratégies.

    Il est important de rechercher le feedback activement (Ashford & Tsui, 1991) et de construire sa mesure avec l’établissement d’une grille de lecture de la réalité : les indicateurs clefs qui vous renseignent sur votre progression et votre performance.

    Le feedback est un repère, c’est votre tableau de bord, mais en plus de cela, c’est un carburant pour la motivation. Toute la difficulté est de percevoir et d’interpréter correctement le feedback pour en tirer des enseignements pertinents. Le feedback est souvent ambigu, il est donc sujet à des biais cognitifs notamment attentionnels (se focaliser seulement sur un indicateur ou seulement sur les indicateurs positifs ou négatifs…) et interprétatifs (interpréter trop positivement ou négativement une information ambiguë ou bien tirer des conclusions sur un échantillon de données insuffisant ou sur des écarts non significatifs…).

    Un mélange équilibré entre réflexion et action s’exprime dans la proactivité : il s’agit d’anticiper les évènements, les risques ou les opportunités dans le but de prendre des initiatives. Une personne proactive présente une motivation interne et a une forte capacité à s’auto-réguler (se fixer ses objectifs, mesurer son avancement…). La proactivité est un facteur corrélé à la création d’entreprise et au succès (Rauch & Frese, 2007, Rauch & Al, 2009).

    Les autres facteurs d’influence

    D’autres facteurs vont influencer le lien entre action et réflexion, notamment :

    • La motivation
    • Les émotions
    • Les croyances sur soi, et particulièrement la confiance en soi

    Motivation, persévération et engagement

    La motivation est le carburant de l’action et de la réflexion. Il est important d’entretenir sa motivation en se recentrant sur ses besoins, ses désirs et le plaisir à imaginer la réalisation de nos objectifs.

    Parfois la motivation peut diminuer, souvent lorsqu’on rencontre des difficultés ou des obstacles sur le chemin de nos objectifs. Il est important d’être déterminé et de persévérer, c’est-à-dire de prendre fermement la décision d’atteindre ses objectifs peu importe les difficultés ou les distractions que vous pourrez rencontrer lors de votre aventure.

    Plusieurs traits de motivations sont reliés au succès des entreprises : le besoin d’accomplissement, la passion pour le travail, la persévérance et la capacité de se fixer des objectifs et challenges motivants (Baum & Locke 2004, Rauch & Frese, 2007).

    Quand la motivation diminue, c’est important d’avoir une capacité d’auto-régulation pour continuer dans la bonne voie.

    Enfin, concernant l’engagement, plus on est engagé dans une direction ou vers un objectif, plus on a de chance de continuer dans cette direction car on a trop investi de ressources (temps, énergie, argent, espoir…) pour faire marche arrière. L’avantage est qu’on peut tirer parti de ce fait : engagez-vous dans l’action, même petite vous incitera à continuer à être dans l’action ; alors que la réflexion n’est pas engageante car peu coûteuse. A l’inverse, l’effet de l’engagement peut être négatif, lorsqu’on va continuer dans une direction en sachant qu’elle est potentiellement mauvaise (ou en espérant sans preuve qu’elle se révèle positive) car on a déjà trop dépensé pour faire marche arrière.

    Les émotions

    Les émotions sont déclenchées par l’évaluation inconsciente que l’on fait d’une situation. Les émotions sont fondamentalement positives puisque leurs fonctions est de nous envoyer un message important concernant notre environnement.

    Les émotions c’est une sorte de tableau de bord avec des indicateurs verts (les émotions positives qui indiquent que tout se passe bien dans notre environnement) et des indicateurs rouges (les émotions négatives qui indiquent que quelque chose ne va pas).

    Parfois les émotions se révèlent excessives ou inappropriées, lorsqu’on évalue la situation de manière biaisée ou qu’on amplifie les enjeux ; cependant la plupart du temps elles ont une fonction positive. C’est comme la douleur, c’est un signal très désagréable (par définition) mais fort utile puisqu’il nous indique que quelque chose ne va pas dans notre corps et il nous motive à trouver rapidement une solution. Sans la douleur, de petites infections se transformeraient en septicémies, et personne n’aurait la motivation d’attendre des heures aux urgences pour des traumatismes.

    Cependant, la douleur peut avoir des effets négatifs : perte de connaissance alors qu’il est important de rester conscient pour se sortir d’un danger, ou bien des douleurs « imaginaires » dans ce qu’on appelle les « membres fantômes ». Le rapport coût/bénéfice de la douleur, tout comme pour celui des émotions reste fondamentalement positif.

    Enfin les émotions vont donner une direction à la réflexion et à l’action. Les émotions vont souvent favoriser des pensées congruentes avec l’émotion (Ex : on voit tout négativement lorsqu’on est triste…). Elles vont également donner une direction à l’action (Ex : la colère nous pousse à être violent avec l’objet responsable de notre frustration, la tristesse à nous replier sur nous, l’anxiété à éviter la situation redoutée ou à l’affronter…). Pour développer son intelligence émotionnelle, il est important de prendre conscience des changements qu’elles occasionnent dans notre façon de penser et d’agir.

    EXEMPLE : La peur

    La peur indique la présence d’un danger ou d’une menace. Dans notre société le danger est rarement physique, il est plutôt psychologique (peur de l’échec…) et social (peur du jugement, du rejet…).
    Concernant la réflexion, elle nous amène à focaliser notre attention sur le danger, à avoir des pensées de types inquiétudes centrées sur les risques ou les échecs précédents et à simuler différents scénarios pour s’en sortir. Concernant l’action, la peur va nous amener à être dans l’évitement ou dans l’affrontement de la situation selon l’évaluation du contexte et de nos ressources.

    Le sentiment d’auto-efficacité

    La confiance ou le sentiment d’auto-efficacité concerne la croyance que l’on a dans notre capacité à réussir. On distingue un sentiment d’auto-efficacité global (la confiance globale dans ses compétences) d’un sentiment spécifique (la confiance dans une tâche en particulier). Il s’agit d’un sentiment, c’est-à-dire d’une estimation subjective de nos compétences, il peut donc être décalé par rapport à la réalité de deux façons : en sous-estimant ou en surestimant nos compétences.

    Le sentiment d’auto-efficacité agit positivement sur la réflexion (elle est plus constructive et orientée action et solution car on a la croyance qu’on peut changer les choses, on est donc moins dans le doute) mais aussi sur l’action (elle augmente la motivation et la persévérance tout en diminuant le stress et les réponses d’évitement).

    Par contre, lorsqu’on surestime nos compétences ou notre probabilité de réussite, cela peut avoir un effet négatif : on peut se retrouver en échec en pensant maîtriser seul une tâche importante, on peut être trop confiant et refuser d’écouter le retour d’autres personnes ou le feedback de la réalité…

    Bibliographie

    Baum, J. R., & Locke, E. A. (2004). The relationship of entrepreneurial traits, skill, and motivation to subsequent venture growth. Journal of applied psychology, 89(4), 587.

    Frese, M., Brantjes, A., & Hoorn, R. (2002). Psychological success factors of small scale businesses in Namibia: The roles of strategy process, entrepreneurial orientation and the environment. Journal of Developmental Entrepreneurship, 7(3), 259.

    Rauch, A., & Frese, M. (2007). Let’s put the person back into entrepreneurship research: A meta-analysis on the relationship between business owners’ personality traits, business creation, and success. European Journal of work and organizational psychology, 16(4), 353-385.

    Rauch, A., Wiklund, J., Lumpkin, G. T., & Frese, M. (2009). Entrepreneurial orientation and business performance: An assessment of past research and suggestions for the future. Entrepreneurship theory and practice, 33(3), 761-787.

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    A propos de l'auteur

    Joran FARNIER

    Psychologue, enseignant à l'Université et formateur.Passionné par la psychologie et l'état d'esprit entrepreneurial, je partage mes réflexions, outils et pratiques sur ce blog.

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