Trouver des idées d’entreprises et des opportunités de business

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    Trouver des idées d’entreprises et des opportunités de business

    On distingue classiquement 3 étapes dans le processus de création d’entreprise : identifier (1), évaluer (2) et enfin exploiter (3) une opportunité permettant d’introduire un nouveau produit ou service. (Shane & Venkataraman, 2000)

    La création d’entreprise passe d’abord par la découverte d’une idée intéressante. Le hasard ou la chance ont leur part d’influence dans les découvertes scientifiques, dans les nouvelles inventions ou dans les idées d’entreprises. Cependant, considérer que découvrir de nouvelles idées de startup est exclusivement dû au hasard, autrement dit à des facteurs externes incontrôlables, est une croyance fausse et limitante. Les études en psychologie entrepreneuriale montrent que c’est avant tout une compétence (Gaglio & Taub, 1992) et qu’elle peut être apprise (Fiet, 2002). L’objectif de cette série d’articles est de vous présenter des techniques et concepts vous permettant de développer et d’améliorer votre capacité à reconnaître des opportunités de création d’entreprises.

    Hasard et innovation

    De nombreuses découvertes scientifiques, inventions ou idées d’entreprises ont été provoquées par une part de hasard, d’heureuses coïncidences ou d’accidents. On parle de sérendipité pour désigner le fait de découvrir quelque chose qu’on ne cherchait pas.

    Van Andel et Bourcier (2009) distinguent :

    • La vraie sérendipité : le fait de trouver de manière hasardeuse quelque chose qu’on ne cherchait pas.
    • La pseudo-sérendipité : le fait de de trouver ce qu’on cherchait mais par un moyen ou une voie inattendue.
    • La non sérendipité : le fait de trouver ce que l’on cherche.

    Même si le hasard est impliqué dans ces découvertes, il n’explique pas tout. C’est avant tout la conjonction de coïncidences heureuses et d’un esprit ouvert, curieux et entraîné à percevoir l’opportunité dans l’imprévu.

    Pour augmenter vos chances de percevoir et saisir des opportunités, il y a deux facteurs sur lesquels vous pouvez agir :

    • Aiguiser votre radar à opportunité pour mieux les reconnaître lorsqu’elles se présenteront par hasard
    • Provoquer l’apparition d’opportunités en élargissant votre environnement et vous confrontant à de nouvelles situations

    Apprendre à reconnaître des opportunités

    Scanner son environnement

    Pour découvrir des idées intéressantes, il est important de scanner activement son environnement à la recherche d’opportunités.

    La notion de « SCAN » renvoi à une vision active de la découverte d’opportunités. Il ne s’agit pas d’attendre passivement qu’une idée intéressante nous tombe dessus par hasard mais de provoquer cette découverte. L’objectif est de préparer votre esprit à percevoir les opportunités lorsqu’elles se présenteront afin de ne pas passer à côté.

    A quoi ressemble une opportunité

    La première chose à faire est de se construire une représentation de ce qu’est une opportunité. Rechercher quelque chose sans savoir à quoi cela ressemble est difficile. Une représentation c’est une sorte de prototype mental. Plus il sera précis et riche, plus votre cerveau sera capable d’identifier rapidement les éléments de votre environnement qui s’en rapprochent.

    Le problème est que la notion d’opportunité est assez vague. Une opportunité c’est un produit ou un service qui vise à apporter de la valeur, c’est une solution à un problème. Dans le cadre de la création d’entreprise, cette solution doit être monétisable, c’est à dire que les personnes qui rencontrent ce problème doivent être prêtes à payer pour bénéficier de votre solution. Enfin, une idée nouvelle peut aussi bien être aussi une nouvelle façon de faire quelque chose, qu’une façon déjà connue de faire mais dans un domaine différent.

    APPLICATION PRATIQUE

    Je vous invite à vous construire une bonne idée de ce qu’est une opportunité d’entreprise en lisant d’avantage sur le sujet de la création d’entreprise et sur les découvertes scientifiques.
    Lisez les histoires et les interviews des entrepreneurs ou des inventeurs qui ont réussis et suivez l’actualité des nouvelles startups : cela vous permettra d’enrichir votre représentation de ce que peut être une opportunité.

    Compétences cognitives et opportunités

    Identifier une opportunité c’est être capable de percevoir dans une situation quelque chose qui n’existe pas encore. C’est adopter une perspective nouvelle, autrement dit avoir une façon différente de traiter l’information.

    La reconnaissance d’opportunités se base essentiellement sur les compétences et les habitudes cognitives. En psychologie, la cognition désigne la façon dont on filtre, traite et interprète les informations de notre environnement afin de construire nos connaissances. Les processus cognitifs principalement impliqués sont l’attention (filtrer les informations intéressantes), la reconnaissance (reconnaître d’emblée des indicateurs d’opportunités) et l’interprétation (interpréter des signaux ambigus ou des informations partielles comme étant des opportunités).

    L’attention filtre les informations importantes dans votre environnement. Si vous ne percevez aucune opportunité business, c’est probable qu’elles ne fassent pas partie des informations sélectionnées.
    C’est tout à fait possible de travailler votre attention pour être plus vigilant aux opportunités possibles.

    Deux facteurs vont vous aider à activer votre radar à opportunité :

    • La motivation : notre attention sélectionne de manière inconsciente ce qui est important à nos yeux, c’est à dire les menaces potentielles et les objets de notre environnement pouvant satisfaire nos besoins et nos désirs. Pour ne plus être aveugle aux opportunités, il faut que ce soit important à vos yeux de créer votre entreprise, il faut que vous soyez fortement motivé à l’idée de trouver une idée intéressante.
    • Le questionnement et la curiosité: les questions que l’on se pose permettent de filtrer la réalité de manière consciente, elles nous aident à guider notre attention. Si chaque soir, vous vous demandez « Est-ce-que dans les dernières 24 heures j’ai rencontré des opportunités de business ou des difficultés auxquelles je pourrais apporter une solution ? », cela vous aidera à canaliser votre attention sur les informations pertinentes sources d’opportunités. En plus de filtrer la réalité, les questions nous permettent de changer notre perspective sur une situation.

    Voici un exemple de questions que vous pouvez vous poser pour identifier des pistes d’opportunités :

    • Quels problèmes ou frustrations ai-je rencontré aujourd’hui ?
    • Qu’est-ce qui manque à ce produit/service ?
    • Qu’est-ce que je pourrais apporter de nouveau à ce produit/service ?
    • Comment pourrais-je améliorer ce produit/service ?
    • Quelle valeur ou information je peux tirer de cette situation/de cet échec/de cette erreur ?
    • Comment pourrais-je transformer cette situation en opportunité de business ?
    • Si une solution/startup/idée est intéressante dans un domaine, dans quels autres secteurs elle pourrait marcher ?
    APPLICATION PRATIQUE

    Je recommande de vous poser ces questions systématiquement tous les soirs. Mettez une alarme sur votre téléphone pour y penser.

    Scannez votre journée avec les questions précédentes et notez les réponses ou les idées dans un fichier centralisé. Si vous faites l’exercice sérieusement pendant 1 mois, vous devriez déjà avoir généré plusieurs idées.

    Personnellement, j’utilise un fichier Excel composé de 5 colonnes, dans lequel je note :

    • Le problème, la frustration ou le besoin identifié
    • La solution que je pourrais apporter
    • L’étendue des personnes touchés par le problème : suis-je le seul à rencontrer ce problème, ou est t-il partagé par beaucoup de personnes ? (estimation rapide avec une note de 0 à 10)
    • La possibilité d’automatisation et de scalabilité : la solution doit s’appliquer facilement à un grand nombre de personnes (estimation rapide avec une note de 0 à 10)
    • La possibilité de monétisation : note de 0 à 10 indiquant la facilité de monétisation ou la motivation des clients à payer pour obtenir cette solution

    Les deux premières colonnes me permettent de définir l’opportunité, c’est à dire le besoin identifié et la solution apportée. Cependant, toutes les idées notées ne sont pas forcément intéressantes. C’est pourquoi j’ai rajouté 3 colonnes supplémentaires. Elles servent à évaluer rapidement la pertinence d’une opportunité. Même si une idée semble peu prometteuse, je ne la supprime pas du fichier car elle peut m’amener par la suite à découvrir d’autres opportunités par association d’idées. L’objectif est surtout de mettre un maximum d’idée sans se demander si elles sont bonnes ou pas au début, puis seulement dans un second temps de les évaluer et les classer par pertinence. Être trop critique dès les premières phases peut inhiber le processus créatif d’identification d’opportunités.
    Vous verrez que certaines solutions que vous trouverez sont intéressantes mais difficilement monétisables. Et même si vous recherchez des idées de création d’entreprise, cet exercice peut très bien vous amener à développer ces solutions simplement pour vous-même, ou bien dans le cadre d’un statut non lucratif (association) ou encore à titre de loisir personnel.

    L’intérêt de pratiquer cet exercice de manière systématique est qu’il va permettre de conditionner votre cerveau à vous poser ces questions intuitivement. Avec le temps, votre cerveau va apprendre à automatiser cette série de questions et les filtres attentionnels, de tel manière que vous serez capable de reconnaître intuitivement et rapidement des opportunités de manière inconsciente et sans effort. Une étude de Fiet (2002) suggère que la recherche systématique d’opportunité manifeste plus d’efficacité que d’autres stratégies, notamment lorsqu’elle est couplée à des connaissances préalables sur le domaine d’investigation. Ce type d’exercice permet également d’acquérir des habitudes cognitives de type heuristique de pensée. Une heuristique est un raccourci de pensée rapide et intuitif qui donne globalement de bons résultats. C’est une généralisation approximative de la réalité qui permet d’éviter des réflexions coûteuses mais avec le risque d’être parfois induit en erreur.

    Cet exercice permet de mettre en place une heuristique du type reconnaissance des marqueurs d’opportunité.

    Exemple : L’heuristique « problème = opportunité » est un raccourci de pensée qui n’est pas toujours vrai mais qui permet d’identifier immédiatement des opportunités lorsqu’un problème se présente à nous. Des études en psychologie entrepreneuriale mettent en avant l’utilité des heuristiques chez les entrepreneurs : ils permettent d’accélérer l’apprentissage, de compresser le temps de réaction et de faciliter la découverte d’opportunités (Alvarez and Busenitz, 2001). Cependant, ces raccourcis peuvent également amener des conséquences négatives lorsque la réalité est perçue de manière déformée ou simpliste, on parle alors de biais cognitifs. C’est pourquoi il est important de ne pas reposer toujours sa réflexion sur des généralisations trop faciles et d’avoir conscience des angles morts de son processus de réflexion et de prise de décision : c’est ce qu’on appelle la métacognition.

    CAS PRATIQUE : Le sildénafil

    La molécule sildénafil (viagra) était au départ évalué pour son efficacité à traiter l’angine de poitrine. C’est en prenant connaissance des effets secondaires rapportés (érection), qu’elle a finalement était utilisé pour traiter l’impuissance.
    Un résultat imprévu s’est transformé en opportunité. Un aspect qui semble être une erreur ou être négatif dans un domaine peut très bien se révéler positif ou avoir de la valeur dans d’autres circonstances.

    Le rôle des connaissances et des emplois précédents

    Plusieurs auteurs en psychologie entrepreneuriale suggèrent que les connaissances favorisent la découverte d’opportunités.
    Reconnaître une opportunité nécessite le plus souvent d’avoir des connaissances sur le domaine en question. Or ces connaissances sont souvent développées lors des emplois salariés que la personne a pu occuper (Venkataraman, 1997).

    Ces emplois permettent à la personne :

    • De développer une confiance dans ses compétences (Sorenson & Audia, 2000)
    • De se créer un réseau social (Freeman, 1986)
    • D’acquérir des informations globales sur le secteur concerné
    • D’accéder à des informations peu accessibles pour des personnes extérieures (par exemple, en prenant connaissance des frustrations des clients ou des attentes des partenaires commerciaux) (Romanelli, 1989).

    C’est pour ces raisons que l’identification d’opportunité apparaît souvent dans le secteur dans lequel la personne travaille.

    APPLICATION PRATIQUE

    Vous pouvez commencer par identifier les opportunités dans les domaines que vous connaissez le mieux : votre métier, vos passions…
    Pour cela, scannez ces domaines avec la liste de questions citée précédemment.

    Scanner votre environnement est une bonne chose. Cependant s’il est trop restreint, votre capacité à découvrir des idées intéressantes sera vite limitée. Afin de débrider cette capacité, il est intéressant de sortir de votre zone de confort et d’élargir votre environnement pour enrichir vos opportunités potentielles. C’est justement le sujet abordé dans l’article suivant : Zone de confort et découverte d’opportunités.

    Bibliographie

    Alvarez, S. A., & Busenitz, L. W. (2001). The entrepreneurship of resource-based theory. Journal of Management, 27(6), 755–775.Baum, J. R., Frese, M., & Baron, R. A. (2014). The psychology of entrepreneurship. Psychology Press.

    Fiet, J. O. (2002). The systematic search for entrepreneurial discoveries. Westport, CT: Quorum Books.

    Freeman, J. H. (1986). Entrepreneurs as organizational products: Semiconductor firms and venture capital firms. Advances in the Study of Entrepreneurship, Innovation, and Economic Growth, 1, 33–52.

    Gaglio, C. M., & Katz, J. (2001). The psychological basis of opportunity identification: Entrepreneurial alertness. Small Business Economics, 16, 95–111.

    Romanelli, E. (1989). Organization birth and population variety: Acommunity perspective on origins. Research in Organizational Behavior, 11, 211–246.

    Shane, S., & Venkataraman, S. 2000. The promise of entrepreneurship as a field of research. Academy of Management Review, 25, 217–226.

    Sorenson, O., & Audia, P. G. (2000). The social structure of entrepreneurial activity: Geographic concentration of footwear production in the United States, 1940–1989. American Journal of Sociology, 106(2), 424–462.

    Van Andel, P., & Bourcier, D. (2009). De la sérendipité dans la science, la technique, l’art et le droit: leçons de l’inattendu. L’act mem.

    Venkataraman, S. (1997). The distinctive domain of entrepreneurship research. Advances in entrepreneurship, firm emergence and growth. Katz (Eds.) 3: 119–138. Greenwich, CT: JAI Press Inc.

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    A propos de l'auteur

    Joran FARNIER

    Psychologue, enseignant à l'Université et formateur.Passionné par la psychologie et l'état d'esprit entrepreneurial, je partage mes réflexions, outils et pratiques sur ce blog.

    3 Comments

    Michel Modeste ESSONO

    janvier 13, 2018at 9:05 pm

    Merci beaucoup !!!c’est très gratifiant et en enrichissant.Juste une question:Comment fait -on pour toujours vous lire?

    Laisser un commentaire à GOUNOU Sacca fadel Annuler la réponse

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