Rebondir après l’échec de son entreprise ou de sa startup

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    Rebondir après l’échec de son entreprise ou de sa startup

    50% des entreprises ne survivent pas au-delà de 5 ans (INSEE, 2011). Et dans le secteur des Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) c’est encore pire : le taux de survie est de 38,7% à 5 ans !

    L’échec est la norme, mais comment réussir à rebondir après ? La plupart des interventions arrivent en amont pour préparer l’entrepreneur et diminuer le risque d’échec avec des formations du type « Comment créer son entreprise« , mais il y a peu d’interventions post-échec du type « comment je fais maintenant que mon entreprise ne marche plus ? ».

    Le thème de l’échec est abordé en 3 parties :

    1. Comprendre les étapes et les mécanismes psychologiques en réaction à l’échec (l’article actuel)
    2. Apprendre de l’échec
    3. Avancer et se reconstruire

    L’échec peut avoir des répercussions :

    • Financières : perte de revenu, endettement…
    • Psychologiques : émotions négatives, perte de motivation
    • Sociales : perte d’un réseau social professionnel, divorce…

    Dans cet article, nous nous intéresserons aux étapes psychologiques par lequel l’entrepreneur passe lorsqu’il perd son entreprise.

    L’échec et le deuil

    Le travail de deuil c’est le processus psychologique par lequel tout individu passe lorsqu’il perd un objet auquel il était attaché. On parle de deuil essentiellement dans le cas d’un décès, cependant ce processus s’active dans d’autres situations de « perte » : la rupture affective, la perte d’un emploi mais aussi la perte de son entreprise…

    L’échec amène un travail de deuil : il nous force à devoir accepter la perte de notre entreprise et l’abandon de nos ambitions et de notre vision d’une potentielle réussite entrepreneuriale.

    Il y a deux étapes majeures dans le processus de deuil :

    1. La souffrance de la perte
    2. L’acceptation et la reconstruction

     

    1. La souffrance

    L’échec produit un ensemble de sentiments négatifs à l’origine d’une souffrance personnelle comme la tristesse, la déception, la colère, la culpabilité, la honte…

    Les étapes de la souffrance

    Les psychologues distinguent plusieurs sous-étapes dans cette phase de souffrance :

    1. Le choc : en prenant conscience de l »échec de l’entreprise, il peut y avoir un état de choc ou de sidération si la nouvelle est soudaine et inattendue.
    2. Le déni : la réalité est tellement difficile à accepter que la personne n’y croit pas, elle refuse de voir la réalité. Cette étape passe souvent rapidement.
    3. La colère : les deux premières phases s’éclipsent rapidement pour laisser place à de la colère. L’échec génère une frustration qui se transforme en colère. Sous l’effet de la colère, on va chercher à expliquer l’échec en trouvant un responsable « C’est de la faute de X », « S’il avait fait ça, on n’en serait pas là », ou « C’est de la faute des clients, notre produit était bien ». La colère peut également être adressée contre soi avec de la dévalorisation et des auto-reproches : « Je suis nul, j’aurais dû voir venir les choses », « J’aurais dû faire ça »… Dans cette phase, le sens qu’on donne à l’échec est biaisé par nos émotions, il est important de laisser le temps passer pour se replonger dans une analyse constructive et plus objective de l’échec.
    4. Le marchandage : l’entrepreneur va reprendre espoir à certains moments et tenter de marchander pour faire repartir l’entreprise. Dans cette phase, l’espoir naît de l’illusion que ça peut remarcher pour éviter d’avoir à affronter l’échec, source d’une grande souffrance. Cependant, de bonnes idées peuvent également naître, il est important de savoir s’il s’agit d’un mécanisme de défense face à la perte de l’entreprise ou bien de réelles bonnes idées. Les illusions ne se basent sur aucun postulat rationnel, elles reposent simplement sur l’espoir que ça va remarcher sans raison valable : « Si ça n’a pas marché, c’est qu’on n’a pas fait assez de communication, il suffit de dépenser un peu plus d’argent dans la publicité et ça va marcher », « Les clients n’ont pas bien compris le réel intérêt de notre produit, si on leur explique mieux ou différemment, il n’y a pas de raison qu’ils ne l’achètent pas »
    5. La résignation : la personne accepte l’idée que l’échec est inévitable et qu’elle ne peut rien faire pour changer cela.
    6. La tristesse : il s’agit de la phase la plus longue. Elle ressemble aux symptômes d’une dépression, cette phase est cependant tout à fait normale et temporaire. Parmi les symptômes : perte de plaisir, d’énergie et de motivation ; difficultés à dormir ou au contraire hypersomnie ; fatigue, lenteur et difficulté de concentration ; dévalorisation et culpabilité… L’entrepreneur a le sentiment d’avoir perdu son temps et son argent, il peut se sentir inutile. Durant cette phase, la personne va être beaucoup dans un processus de ruminations mentales : ses pensées vont être focalisées sur l’échec.

    Ces étapes donnent un repère de notre avancé du processus de deuil. Il arrive fréquemment de sauter ces étapes et parfois que des étapes puissent perdurer dans le temps (exemple : continuer à ressentir de la colère dans la phase de tristesse).

    Les facteurs qui vont influencer la phase de souffrance :

    • Le fait de s’attendre à la fin de son entreprise permet d’amorcer un travail de pré-deuil contrairement à un échec soudain et brutal qui génère plus de difficulté par son aspect inattendu.
    • Le niveau d’investissement et d’engagement dans l’entreprise : plus vous avez investi (du temps, de l’argent, des espoirs…) plus la perte et la souffrance sont importantes. La solution n’est pas de peu s’investir pour éviter de souffrir en cas d’échec qui est un mécanisme de défense face à la souffrance, mais plutôt de s’investir pleinement tout en ayant en tête la possibilité d’échec.

    La durée de l’étape « souffrance » varie selon les individus ainsi que selon l’importance et l’engagement que l’on avait dans le projet entrepreneurial. Dans de rares cas, la personne est incapable de s’en remettre, elle reste bloquée dans la phase de souffrance sans pouvoir accepter et se reconstruire. C’est souvent lorsque la tristesse est très intense ou qu’elle est associée à une forte incompréhension, à de la culpabilité ou à de la colère excessive. Dans ce cas-là, la personne est véritablement démolie par l’échec et n’arrive pas à puiser dans ses ressources pour aller de l’avant (isolement, consommation d’alcool…). Rassurez-vous, c’est rare, cependant si au bout de plusieurs mois, les symptômes de tristesse persistent, il est recommandé de consulter un professionnel.

    2. L’acceptation et la reconstruction

    Après la phase de souffrance, la personne arrive progressivement à faire le deuil et à accepter l’échec tout en commençant à envisager d’autres projets et à s’investir dedans. Un peu comme lors d’une rupture affective, il existe souvent un laps de temps nécessaire à l’acceptation de ce qui s’est passé avant de pouvoir envisager s’engager dans une nouvelle relation.

    Durant la phase de tristesse, les pensées, l’attention et l’énergie sont focalisées sur l’échec qui est véritablement envahissant. Dans la phase de reconstruction, toute cette énergie est réinvestie progressivement sur d’autres projets et d’autres centres d’intérêts.

    L’acceptation et la reconstruction sont deux phases qui coexistent et qui s’alimentent mutuellement : accepter l’échec facilite la reconstruction, mais reconstruire des envies ou des projets aide aussi à se décentrer de l’échec et à l’accepter.

    • Accepter c’est donner du sens à l’échec, être capable de vivre avec et de se dégager des émotions négatives.
    • Reconstruire c’est tirer des enseignements de l’échec, retrouver des objectifs et des projets à court, moyen et long-termes qui nous tiennent à cœur.

    La deuxième partie de l’article c’est par ici : APPRENDRE DE l’ECHEC

    Bibliographie

    Commission Européenne. 2007. Surmonter les stigmates de la faillite d’entreprise – Pour une politique de la deuxième chance. Bruxelles

    Cusin, J. (2009). La réalité de l’apprentissage par l’échec en entreprise: une approche behavioriste enrichie des émotions. Management international/Gestiòn Internacional/International Management, 13(4), 27-45.

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    Hessels, J., Grilo, I., Thurik, R., & van der Zwan, P. (2011). Entrepreneurial exit and entrepreneurial engagement. Journal of Evolutionary Economics, 21(3), 447-471.

    INSEE. (2011). Enquête SINE, interrogations 2011. Récupéré sur INSEE: Enquête survie et succès des entreprises 5 ans plus tard

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    Shepherd, D. A. (2003). Learning from business failure: Propositions of grief recovery for the self-employed. Academy of management Review, 28(2), 318-328.

    Ucbasaran, D., Shepherd, D. A., Lockett, A., & Lyon, S. J. (2013). Life after business failure the process and consequences of business failure for entrepreneurs. Journal of Management, 39(1), 163-202.

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    A propos de l'auteur

    Joran FARNIER

    Psychologue, enseignant à l'Université et formateur.Passionné par la psychologie et l'état d'esprit entrepreneurial, je partage mes réflexions, outils et pratiques sur ce blog.

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