Entrepreneuriat : équilibre entre réflexion et action

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    Entrepreneuriat : équilibre entre réflexion et action

    Les deux composantes fondamentales qui permettent d’atteindre des buts, de réaliser des projets ou de réussir dans le processus entrepreneurial sont : l’action et la réflexion.

    • La réflexion permet de se fixer des objectifs et de comprendre son environnement
    • L’action permet d’influencer son environnement pour obtenir les résultats recherchés

    Dans l’équation de la réussite, il est important que ces deux composantes soient équilibrées et qu’elles s’influencent positivement.

    Deux problèmes majeurs vont être présents dans le rapport entre les deux :

    • La présence d’un déséquilibre : notre temps et notre énergie se concentre exclusivement sur une des deux composantes (action sans réflexion ou réflexion sans action) qui devient dominante sans que ce soit adapté à la réussite de l’objectif.
    • L’absence d’influence réciproque positive : l’action permet d’obtenir de l’information et du feedback pour nourrir la réflexion. A l’inverse, la réflexion doit servir de boussole pour l’action. Lorsque les deux ne sont plus liées et ne s’influencent plus positivement, cela génère une perte d’efficacité significative.

    Equilibre optimal entre réflexion et action

    Il n’existe pas de rapport optimal et universel entre réflexion et action pour toutes les situations. Certaines situations demandent essentiellement de l’action, et d’autres essentiellement de la réflexion.

    EXEMPLE 1

    Payer une amende de stationnement demande 90% d’action et 10% de réflexion pour préparer l’action et éventuellement tirer une leçon de cette sanction. Si vous réalisez 90% de réflexion sur cette situation (par exemple, sur le bien-fondé de l’amende, sur votre frustration ou votre colère…) vous allez gâcher beaucoup d’énergie et de temps sur une situation de faible importance avec un risque de procrastination et de majoration d’amende s’il n’y a pas d’action.

    EXEMPLE 2

    A l’inverse, valider le statut de votre entreprise peut demander 70% de réflexion (pour comparer les avantages et les inconvénients de chaque statut puis connaître la démarche à effectuer) et 30% d’action (pour vous enregistrer une fois votre décision prise). Si vous ne consacrez pas assez de temps à la réflexion, le risque est de partir sur un statut qui n’est pas adapté à votre profil, à votre activité ou à son évolution possible (charges élevées au lancement, difficulté d’intégrer des associés, risque de perte de son patrimoine personnel en cas d’échec…)

    Chaque tâche présente une équation de réussite spécifique. A vous de déterminer quel dosage entre action et réflexion est le plus efficace.

    L’équilibre entre action et réflexion peut être représenté par un continuum avec deux extrêmes :

    • L’hyper-réflexion: la réflexion sans action.
    • L’impulsivité: l’action sans réflexion.

    Ce déséquilibre entre action et réflexion peut amener deux extrêmes dans le processus de création d’une startup : se lancer sur la première idée venue sans prendre le temps d’étudier le marché (impulsivité) ou à l’inverse attendre l’idée parfaite et ne jamais se lancer (hyper-réflexion). Le doute, les peurs ou le manque de persévérance ou de motivations clairement identifiées peuvent amener un troisième problème : changer d’idée de business sans cesse et sans jamais se focaliser sur un seul projet.

    La réflexion

    Un des premiers critères pour juger de la qualité de la réflexion concerne son aspect constructif.

    • La réflexion constructive vise à trouver des solutions, à comprendre et à tirer des leçons des évènements passés.
    • La réflexion non-constructive: elle s’apparente souvent à ce qu’on appelle les ruminations mentales en psychologie. Des pensées ou des souvenirs (le plus souvent négatifs) peuvent tourner en boucle, sans permettre d’avancer sur le sujet. Elles sont souvent provoquées par une émotion excessive (la peur, la déception, la colère…) qui amène à ruminer des pensées négatives ou des inquiétudes sans recherche de solution.

    Une réflexion constructive est orientée solution et action contrairement à une réflexion non-constructive qui ne fait qu’induire un état d’esprit négatif et freine l’action.

    Les ruminations sont souvent la première étape du processus. On rumine souvent plusieurs fois un échec avant de l’accepter, de faire le deuil des attentes qui n’ont pas trouvées satisfactions dans la réalité pour ensuite adopter un état d’esprit plus constructif de recherche de solutions ou de leçons à tirer. Cette phase de rumination ne doit cependant pas durer trop longtemps, sinon elle risque de vous empêcher de rebondir.

    L’hyper-réflexion c’est passer la plupart de son temps à réfléchir sur une tâche sans agir. Il peut s’agir aussi bien d’une réflexion non-constructive que d’une réflexion constructive avec de nombreux freins à l’action. Réfléchir, anticiper, peser le pour et le contre sont des choses importantes avant de créer son entreprise, cependant dans l’hyper-réflexion cela est fait de manière excessive et sans action.

    Le rapport coût/bénéfice

    On a souvent tendance à être dans l’hyper-réflexion pour des décisions parfois mineures : Qu’est ce que je vais répondre dans cet email ? Quel ordinateur ou smartphone acheter ? etc…
    Dans le cas d’un achat, on peut parfois se retrouver à chercher des avis sur internet pendant des heures et des jours, être dans l’indécision et donc repousser sans fin l’achat.

    Dans ce type de situation, j’invite mes patients à se poser la question suivante :
    De quel pourcentage – passer une heure de plus à chercher de l’information sur ce produit – augmentera votre satisfaction ou votre capacité à faire le bon choix ?

    Si passer une heure de plus à se renseigner augmente de 5% la chance de choisir le bon produit, votre heure de réflexion vous coûte très cher par rapport au bénéfice obtenu. Il est plus intéressant de mettre de côté sa recherche du produit parfait et sa peur de faire une mauvaise affaire pour se concentrer sur l’achat du produit.

    Voici deux solutions pour faire face à ces difficultés :

    • Se recentrer sur l’essentiel : est-ce que c’est plus important d’avoir le produit idéal et de passer beaucoup de temps à le chercher ou est-ce plus important d’avoir le produit rapidement ?
    • Calculez le rapport coût/bénéfice de la stratégie : combien me coûte telle comportement ou réflexion (en temps, argent, énergie…) par rapport aux bénéfices qu’elle m’apporte ? Existe-il d’autres façons de faire qui présentent de meilleurs ratios coût/bénéfice ?

    Réflexion et temporalité

    Un autre aspect à prendre en compte est la temporalité de la réflexion. Comment se répartie votre énergie et votre réflexion : est-elle plus focalisée sur des évènements passés, présents ou futures ?
    Il est d’ailleurs intéressant de croiser l’aspect constructif et la temporalité de la réflexion.
    reflexion-entrepreneuriat

    L’entrepreneur doit être essentiellement tourné vers le présent (les actions concrètes à effectuer immédiatement) et l’avenir puisqu’il fait un pari positif sur la création de son entreprise. Il est important pour l’entrepreneur de traiter les évènements passés pour en extraire du feedback et le transformer en enseignements, sans toutefois accorder trop d’importance au passé car il n’est plus possible de le changer.

    En résumé, l’énergie et la réflexion de l’entrepreneur doivent s’inscrire dans une temporalité équilibrée, sans être du côté de la fuite en avant, ni dans un ancrage trop important dans le passé. La psychologie de l’entrepreneur est donc très impliqué dans ce rapport au temps, puisqu’il doit accepter son passé et ses échecs pour avancer, mais aussi avoir une vision positive et non anxiogène du futur pour ne pas avancer à reculons.

    Prévision et simulation mentale

    La réflexion par rapport à l’avenir, autrement dit la capacité à prévoir et anticiper, consiste à imaginer les différents scénarios possibles. Le cerveau fait de la simulation mentale ; il simule les conditions possibles en s’appuyant sur notre carte subjective de la réalité, c’est-à-dire nos croyances, nos perceptions, nos expériences, nos valeurs, nos besoins et notre façon de traiter l’information.

    Dans la salle des machines de la simulation mentale, le cerveau construit des hypothèses auxquelles on a tendance à adhérer rapidement sans trop se poser de questions. Il est important d’identifier ces hypothèses implicites afin de pouvoir les tester sur le terrain.

    La simulation mentale est un outil essentiel, cependant sa fiabilité dépend de la pertinence de votre carte de la réalité : c’est-à-dire des facteurs essentiels qui vont influencer le résultat que vous cherchez à obtenir. Votre carte de la réalité c’est en quelque sorte la boussole qui vous indique la direction à prendre.

    Plus vous avez d’expérience sur la situation à simuler, plus votre cerveau va être capable de prédire la situation sur des éléments de réalité, plutôt que sur des projections imaginaires.
    Cependant, parfois même avec de l’expérience on peut développer une carte de la réalité biaisée, c’est-à-dire qu’on peut se baser sur des facteurs non pertinents ou bien amplifier l’importance de certains facteurs pour prédire un résultat. Dans ce cas, les études scientifiques permettent d’ajuster notre carte de la réalité en nous apportant des résultats basés sur des preuves empiriques avec plus de rigueur et moins de biais que l’esprit humain.

    EXEMPLE : LA GRAPHOLOGIE

    Dans la carte subjective de la réalité des graphologues, l’écriture des personnes est un bon indicateur de leur personnalité et un bon prédicteur de leur adéquation pour un poste donné, il s’agit même pour eux d’un facteur très important puisqu’ils se basent essentiellement sur celui-ci. Cependant les études scientifiques (Neter & Ben-Shakhar, 1989) considèrent que cet outil présente une très faible validité pour évaluer la personnalité ou la qualité d’un profil dans un contexte de recrutement.
    La science est donc un outil intéressant pour questionner les croyances ou les pratiques populaires dans un domaine.

    Il est importance de prendre conscience qu’une simulation mentale n’est pas la réalité, ce n’est qu’un scénario possible. Il est nécessaire d’avoir du recul et de ne pas être dans l’adhésion totale au scénario imaginé. Notre cerveau est souvent à côté de la plaque pour prédire correctement une situation étant donné la complexité et le nombre de facteurs impliqués. C’est pourquoi l’hyper-réflexion seule peut rarement amener à identifier correctement la meilleure décision, le scénario le plus probable ou l’action à privilégier. L’idéale est de nourrir la réflexion par des éléments de réalité en agissant sur l’environnement et en testant les hypothèses sur lesquelles s’appuient notre simulation mentale.

    plan vs reality

    Cette image illustre bien le décalage qui existe entre notre imagination et la réalité. Dans d’autres situations, quand nos peurs viennent interférer sur le processus de simulation mentale, on imagine tout à fait l’inverse : que tout va mal se passer, alors qu’au final la réalité est beaucoup moins catastrophique que prévu.

    On parle de métacognition lorsque l’on réfléchit sur ses propres processus de pensées. C’est essentiel d’avoir conscience du fonctionnement de ses outils pour en tirer le plus de valeur possible mais aussi pour apprécier leurs limites. La métacognition est importante puisqu’elle permet d’amener du recul sur sa façon de prendre des décisions, sur ses intuitions et sa vision de la réalité. Cependant, elle ne doit pas tendre du côté de l’hyper-réflexion sans action ni amener un doute extrême sur sa façon de réfléchir et causer une indécision paralysante. Son objectif doit rester orienter solution et action, sa finalité est de prendre une décision éclairée.

    Une fonction psychologique ?

    Les peurs ont souvent la première place du podium dans les freins à l’action. C’est pourquoi l’hyper-réflexion a souvent une fonction psychologique, qui est de gérer notre anxiété en évitant une confrontation à un scénario redouté, plutôt qu’un véritable aspect fonctionnel, et cela se constate par son caractère excessif et limitant.

    L’impulsivité, c’est-à-dire l’action sans réflexion, de par son caractère excessif présente aussi ce mécanisme psychologique d’évitement de se confronter à des pensées, des souvenirs ou des émotions désagréables en mettant à distance la réflexion par l’hyper-activité. Or il est tout de même important de prendre en compte les signaux de danger et les risques d’échec, sans pour autant se laisser envahir par ses peurs. Pour contrer cela, il est important de se demander si on réfléchit ou agit pour gérer ses peurs ou bien pour avoir l’action la plus efficace sur notre environnement ?

    Les peurs ou le manque de motivation amènent souvent à la procrastination, c’est à dire repousser sans-cesse à plus tard une tâche plus ou moins pénible que l’on pourrait faire immédiatement. L’hyper-réflexion et certaines actions vont nous donner l’illusion d’avancer tout en nous permettant d’éviter de nous confronter à la tâche principale que nous redoutons ou qui nous demande beaucoup d’effort.

    EXEMPLES

    Faire le ménage pendant des heures avant de travailler ou passer des heures à réfléchir à un planning parfait sont des exemples fréquents de procrastination par l’action ou la réflexion.
    Dans ces deux cas, l’action la plus efficace pour atteindre notre objectif est de travailler. Il est normal de se préparer un planning et de travailler dans un environnement ordonné. Cependant créer un planning correct à la journée peut être fait en moins 30 minutes, et chaque minute de plus passée sur cette tâche ne nous rapproche pas significativement plus de notre objectif, contrairement à d’autres tâches plus essentielles.

    Bibliographie

    Neter, E., & Ben-Shakhar, G. (1989). The predictive validity of graphological inferences: A meta-analytic approach. Personality and Individual differences, 10(7), 737-745.

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    A propos de l'auteur

    Joran FARNIER

    Psychologue, enseignant à l'Université et formateur.Passionné par la psychologie et l'état d'esprit entrepreneurial, je partage mes réflexions, outils et pratiques sur ce blog.

    2 Comments

    Patricia

    mai 26, 2021at 7:08 pm

    Bonjour, je me reconnait dans le dernier paragraphe. Quels sont les outils pour avancer puisque je pratique l’évitement. J’accepte des boulots, je m,engage dans des formations de toute sorte sans véritablement entreprendre un virage de carrière. J’ai des tonnes d’idées d’entreprises, je réfléchi, j’agis beaucoup, mais comme vous le dite, j’évite le plus grand projet…
    Pouvez-vous m’aider?

      Joran FARNIER

      mai 31, 2021at 8:14 am

      Bonjour,

      Derrière l’évitement il y a souvent une peur.
      La première chose est de repérer ce qui vous fait peur. Pour cela tenter d’imaginer ce qui pourrait se passer de pire, et cela vous renseignera sur votre peur (peur de l’échec ? du jugement des autres ? insécurité financière ?…).
      Cette peur est là pour vous protéger mais elle vous empêche d’avancer manifestement.
      En essayant de comprendre son message et ce qu’elle dit de votre représentation implicite de la réalité.

      La deuxième chose est de pouvoir lister les actions qui vous aideraient le plus efficacement à avancer sur votre projet. A trouver le chemin le plus court et le plus direct entre vous et votre projet.
      Souvent, nous avons tendance à faire des choses peu importantes pour nous rassurer sur le fait que nous sommes productifs, ce qui nous autorise à procrastiner les tâches essentielles.
      Ex : nous pouvons nous former continuellement pour repousser le projet entrepreneurial. Ici la formation n’a plus comme fonction de nous faire monter en compétences, mais de remettre à plus tard le moment où nous allons faire un saut dans l’inconnu, et donc de gérer notre peur par l’évitement.

      Je vous recommande également de vous entourer de personnes qui passent à l’action en cherchant les éco-systèmes entrepreneuriaux autour de chez vous et de vous faire accompagner par un conseiller.
      Bonne continuation dans vos démarches !

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